dimanche 13 mai 2012

Course au kiwi

Je reprends le clavier ce matin, principalement parce que je me suis couché à 18h, et levé à 5 heures du matin, décalage horaire oblige. J'ai donc une heure avant de partir reprendre le travail, et je vais en profiter pour vous raconter un épisode intéressant de mon voyage.

Après un séjour à Punakaiki, et avant de nous rendre à Fox Glacier, nous décidons de faire un petit détour dans un village d'une trentaine d'habitants, isolé dans un mini parc national : Okarito. Notez que malgré tous nos efforts, nous n'avons pas réussi à en trouver la prononciation correcte, et avons préféré le mode espagnol, en roulant allègrement le "r", façon "carrrramba !" La raison qui nous a conduit dans cet endroit désert, et qu'un ranger du Department Of Conservation (DOC), Ian, y propose des excursions pour observer les kiwis dans leur milieu naturel. 

Arrivé au point de rendez vous, un panneaux nous informe que Ian sera de retour à 17h. Il va de soi que nous n'avions pas réservé à l'avance, et que nous craignions un peu de ne pas avoir de place, d'autant que les groupes sont limités à 8 personnes. A 17h nous revenons, et demandons à reserver pour l'excursion du soir (départ 20h). La réponse est surprenante : "you two are bloody lucky bastards!" (qui se traduit par "vous êtes deux foutus petits vénards !"). l'explication arrive vite : Ian a refusé une bonne douzaine de touriste dans la journée, car le groupe était complet depuis longtemps. Mais 5 minutes avant notre arrivé, et à peine 15 minutes après avoir refusé les derniers clients, deux personnes ont du annuler leur participation. 

Avant de nous inscrire, Ian, personnage décidément singulier, nous demande pourquoi nous voulons voir un kiwi dans la nature. Je lui répond que je les cherche depuis le début de mon voyage, en vain. Je lui dit même y avoir cru très fort dans le Paparoa Park, mais il s'agissait en réalité d'un Weka, beaucoup moins rare et emblématique. 

Ian continue de nous épater : "ce que je fais est impossible à faire". Pourquoi ? Car le kiwi brun d'Okarito, que nous allons tenter de trouver, est l'espèce la plus rare de kiwis. Il en existe environ 300 en Nouvelle Zélande, et donc dans le monde. 300, c'est à dire presque rien. Pour compliquer la tache, il vivent à raison d'un couple par 100 km². Ian, qui les connait bien, nous informe que ce soir là, l'un est parti très loin du point d'observation, et que par conséquent, il n'y en a qu'un seul que nous avons une chance de voir. (A ce moment, je me demandais encore comment diable il pouvait bien savoir ça). UN kiwi sur 100km² donc, qu'il nous faudrait trouver dans le noir, et sans faire le moindre bruit (le kiwi est extrêmement timide). Ian nous rassure : depuis trente ans qu'il travaille sur le kiwi, il est bon, même très bon, personne n'est meilleur que lui. Ouf. 

A 20h, nous revoilà, et nous retrouvons le petit groupe. On se présente, Ian commence les explications. Il nous fournit le matériel : une lampe torche pour chacun, une paire de gants, et un chapeau (très sexy) avec une grille devant le visage. Tout ça, pour voir dans le noir et se protéger des "sandflies", un croisement entre la mouche et le moustique, qui ne se mange pas (private joke, je vous raconterai). Nous nous rendons à l'orée de la forêt et partons sur le sentier. Première pause, leçon sur le kiwi. Il y a en effet quelques faits intéressants.

- Autrefois, le kiwi avait des ailes. Et puis, en Nouvelle Zélande, terre sans prédateur, le kiwi s'est dit "pourquoi se fatiguer à voler, alors qu'il y a plein d'insectes et de bestioles par terre, et moins de concurrence ?". Le kiwi a donc choisit de marcher, pendant que les autres emplumés s'obstinaient à voler. 
- Absence de vrais prédateurs, certes, mais le kiwi devait quand même savoir se défendre contre les dangers. Il a ainsi développé d'énormes pattes, qui représentent 30% de la masse de son corps. 
- Le kiwi est le seul oiseau à avoir... des narines, au bout de son bec ! Cela lui donne un flair formidable pour chasser. Malin.
- Le kiwi est en voie de disparition, un peu à cause de l'homme. En s'installant en NZ, nos amis anglais sont venus avec leurs chiens, prédateur du kiwi, mais aussi leurs lapins. Le lapin est bien connu pour se multiplier très vite, et pour le maîtriser, on a introduit ses prédateurs : l’opossum (dont un vit sur le toit de ma maison) et un autre truc dont j'ai oublié le nom (un genre de belette ou de fouine si j'ai bien compris). Un carnivore féroce en tout cas. Mais ces prédateurs du lapin sont surtout des prédateur du kiwi, qui n'a guère de chance de leur échapper. 

Après ce cours magistral, nous partons. Commencent deux heures surréalistes. Ian nous fait avancer en file indienne, sur le bord du sentier. D'un geste, il nous arrête, nous demande de nous aligner face au coté est du sentier, et d'attendre. Lui se déplace avec une sorte d'antenne, et un écouteur dans l'oreille. Il reste un long moment, bras tendu, écoutant. Nous nous taisons. Il se déplace, nous ne bougeons pas. Il tend le bras, attends. Le show continue. Quelques fois, il nous fait nous déplacer, lentement parfois, très vite par moment, toujours en file indienne. Ce manège dure deux heures. Deux heures debout, se déplaçant rarement, et attaqués par les féroces sandflies. Manège une seule fois interrompu par une touriste française, n'appartenant pas au groupe, qui n'avait guère le soucis de faire silence, et certainement pas l'intention d'interrompre sa balade nocturne. 

Finalement, nous l'entendons. Le kiwi arrive. Nous sommes en ligne, cote à cote, et il va traverser le chemin quelques mètres plus loin. Nous nous penchons sur le coté pour essayer de mieux le voir. Éclairé seulement par le clair de lune, il apparaît, traverse d'un pas rapide, s'arrête quelques secondes, tourne la tête vers nous (il devait se douter d'un truc), puis repars prestement dans la forêt. 

Comme seulement 0.1% des Néo-zélandais, nous venons de voir un kiwi dans la nature. 



Le site internet : Okarito Kiwi Tour